Ces médias qui divisent le Sénégal
J’ai souvent entendu dire que la RTS1 (Radiodiffusion Télévision Sénégalaise) effectuait une mission de service public. Mais au regard de leur comportement ces derniers jours pour ne pas dire c’est dix derniers années, je me demande si elle n’effectue pas plutôt une mission de service d’état ; si tant est que ce mot existe. Les africains connaissent comment marchent, en général, les télévisions d’état ; et malheureusement la RTS n’est pas une exception à la règle. Au fait existe-t-il une exception ?
Certains disent que tout excès est nuisible. D’autres que trop de publicité nuit à l’image de la marque. A entendre toutes ces mises en garde, l’on est tenté de se demander si nos Chefs d’État n’ont pas des problèmes d’audition. Car en matière de gavage d’images, ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère. J’ignore ce qui se déroule dans les autres pays africain ; mais chez nous, il ne se passe pas un jour sans que le Pr ou son fils ne passe à la télé. La RTS nous bassine, à chacun de leur journal télévisé, avec leurs faits et gestes. Et son parti, le PDS n’est pas en reste. Propagandes, messages de soutien et campagne électorale avant l’heure occupent la majeure partie du temps réservé au JT. Depuis plusieurs jours, la fréquence s’est accentuée. Avec le déplacement fort bien calculé et prémédité du Pr Wade dans la ville sainte de Touba (capitale du Mouridisme, une des plus fortes confréries musulmane du Sénégal), la RTS a atteint le summum de la complaisance et de la médiocrité. Lors de ce JT, un élément d’une dizaine de minutes voire plus a été diffusé. On pouvait voir dans ces images le Pr Wade en train de prendre un bain de foule. Des supposés militants, en délire, scandaient le cri de guerre préféré du Pr lorsqu’il était dans l’opposition : « Soopi soopi » (changement, en wolof). Un déplacement bien calculé car les villes religieuses ont pour coutume de toujours accueillir, avec les honneurs, leurs invités ; et surtout lorsqu’il s’agit de l’autorité suprême. Ce fût dix longues minutes (très ennuyeuses tout comme leur JT), sans commentaires, où l’on voyait un Mr Wade très heureux de l’accueil qui lui a été réservé. Vous pensez que le supplice s’est arrêté la ? Détrompez-vous, d’autres reportages ont suivi. Et comme si cela ne suffisait pas, une édition spéciale a été diffusée le jour suivant. C’est dire que l’État essaie par tous les moyens de réhabiliter son image même si cela passe par une présence excessive.
« Le Sénégal est un et indivisible »…
Si je devais parler un français wolofisé, la phrase ci-dessus donnerait : Le Sénégal a une tête, personne ne peut le diviser en deux. Une phrase que les Sénégalais aiment répéter et pourtant, quand on se base sur les différents médias, l’on a l’impression qu’il n’existe pas un seul Sénégal mais deux voire même trois selon leur obédience politique.
Lorsqu’on se base sur les médias proches de l’État, la RTS1 en tête, on a l’impression que l’on vit dans le meilleur pays du monde, que l’on a le meilleur président sans oublier que son fils, aussi connu sous le nom du ministre du ciel et de la terre, est le plus intelligent de tous les Sénégalais. Les populations sont tellement satisfaites du pouvoir qu’elles vont le réélire au premier tour par une majorité écrasante. Parfois, on a l’impression de vivre dans le Yafoy. Vous savez, ce pays où tout va bien; où tout le monde est content même si la grande partie des populations vie toute la journée sans électricité. Sans oublier ceux qui vivent toujours les pieds dans l’eau alors que l’hivernage pointe son nez.
De l’autre coté, les journaux et télévisions privés décrivent des réalités totalement opposées à celles diffusées par les médias proches de l’État. Manifestations de populations en colère, grève d’employés de l’éducation ou de la santé rythment en général le contenu de leur journal télévisé. Et le champion dans ce domaine c’est la Walf adjri. Leurs journalistes n’hésitent pas à tirer à boulet rouge sur le Président, son fils ou les membres de son gouvernement. La presse en général critique énormément le pouvoir ; et parfois de façon très violente. C’est comme si pour eux, rien ne marche dans le pays; tout est à refaire. Ils font exactement le contraire des médias publics. En somme, ils représentent des gardes-fou; même si parfois ils exagèrent dans leur façon d’agir. c’est souvent le cas lors de leur revue de presse qui prennent souvent l’allure d’un règlement de compte. Des revues de presse tellement mises en scène que les journalistes prennent parfois la liberté de donner des sobriquets aux différents acteurs qui font la une. Heureusement dans toute cette histoire, certains médias tentent tant bien que mal de garder leur neutralité et leur objectivité. C’est le cas entre autres de la 2STV et de la TFM qui se contente de divulguer l’information de façon équitable et ,apriori, sans parti pris.
En 2000, les médias privés (radios et presse écrite) avaient beaucoup contribué à l’arrivée de Wade au pouvoir. A cette époque, seule la RTS1 existait comme chaine de télé. Aujourd’hui le visage audiovisuel a énormément évolué. Quatre chaînes ont été créées et chacun a fini par s’implanter solidement. Dans six mois, les élections présidentielles auront lieu. Tout le monde a conscience que les médias auront un rôle prépondérant à jouer. D’où la nécessité de prendre leur responsabilité en donnant une juste information quelque soit le clan défendu. La décision finale reviendra au Sénégalais donc nul besoin de verser dans le favoritisme au point d’indisposer une frange de la population.
Commentaires