Le rap vu autrement
Le rap, une musique qui déchaine les passions. Aimé par certains et détesté par d’autres, à tort ou à raison c’est selon, le rap ne laisse personne indifférent. Aujourd’hui quand on parle de rappeur, la première image qui nous vient à l’esprit, c’est le cliché du mec bling-bling. Et à force de voir les clips de rap US, on serait tenté de se laisser berner. Mais le rap c’est plus qu’un gars qui s’affiche bien sapé et plein de bijoux scintillants. Au-delà du paraître, il y a de l’art derrière. Qui dit rap dit musique et qui dit musique dit texte. Et si on prend la peine d’écouter certains de ces artistes, on serait surpris de trouver des messages qui n’ont rien à voir avec ce que l’on voit d’habitude dans les médias.
On accuse souvent les rappeurs de faire l’apologie de la violence, du sexe, et de l’argent facile. Mais peut-on vraiment blâmer ces personnes quand on voit tout le temps, dans les clips, des mecs qui jouent au gangster ? Qui font la fiesta tout le temps entourés par de jeunes et jolies demoiselles à moitié nue et aux formes tellement généreuses qu’elles pourraient émouvoir un vieux papi. Ou encore quand ils exhibent des liasses de billets et qu’ils les jettent un peu partout à la mode « I make it rain ». Voici les clichés qui restent encrés dans l’imaginaire de certains et qui ont fini par ternir l’image du rap. Heureusement, il y a des personnes qui vont à l’encontre de cette tendance globalisée. Au départ, le rap est une musique de contestation et de conscientisation. Et quand le texte retourne à la source, çà donne des messages lourds de sens.
Comme j’écoute beaucoup le rap français, il m’arrive parfois de tomber sur des passages qui attirent mon attention, voire même qui me font cogiter. Depuis peu, je publie sur mon mur des extraits. Je vais en partager quelques uns avec vous.
« Si je deviens violent, l’Islam n’y est pour rien
Ce n’est dû qu’à mes faiblesses,
Je répète pour que tu comprennes bien
Si je deviens violent, l’Islam n’y est pour rien
Ce n’est dû qu’à mes excès, j’échoue mais j’essaie »
Au jeu du message conscientisant et lourd de sens, il est très dur de trouver meilleur que Kery James. Le rappeur du 94 est aux antipodes des clichés qui entourent le rap. J’ai mis cet extrait en première place car il est plus que d’actualité. Beaucoup de choses sont faites dans le monde au nom de l’Islam alors qu’il n’en est rien. Cet extrait l’exprime bien.
Les textes de Kery James sont fluides et nul besoin d’avoir un dictionnaire du verlan (l’argot français) pour comprendre ce qu’il dit. Je vous laisse plutôt en juger par vous-même.
« Persuadé d’avoir du vécu chacun de nous pense posséder le monopole de la souffrance
On arbore fièrement nos cicatrices et on aime à rappeler à quel point nos vies sont tristes et cruelles
On est le nombril du monde et tous prétendent avoir grandi à l’ombre du bonheur
On se fait notre ciné et dans le vacarme de nos plaintes il y a tant de gens qu’on entend même plus pleurer
Tu sais qu’on ne souffre pas qu’en banlieue, partout tu peux lire le manque d’amour dans les yeux
Même dans les beaux quartiers les sourires sont de masque
On n’achète pas le bonheur sans qu’un jour le temps ne nous démasque
La détresse n’a pas de couleur
Réveille toi, sous combien de peaux blanches se cachent la douleur
Chacun ses secrets, emmuré dans le silence
Ses hémorragies internes qui nous font pleurer en silence »
Kery James-Pleure en silence
Pour moi c’est tout juste le meilleur rappeur français.
« Qui a dit que les japonais maîtrisaient les ordis ?
Tous les chinois font du Kung-fu ! quel est le con qui l’a sorti ? »
La Sexion d’assaut sait faire danser les foules et chauffer l’ambiance quand il faut ; mais ils savent aussi faire passer des messages. Et ce n’est pas ce qui manque dans leurs sons. Dans cet extrait, il dénonce, d’une façon plutôt drôle, les idées reçues que l’on se porte mutuellement. Comme l’a dit Jamel dans son dernier spectacle, Tout sur Jamel, « On est tous le raciste de quelqu’un ».
« Le jour se lève et toi tu sors sans savoir où aller
Mais peu importe du moment que t’as ton shit à inhaler
Maintenant tu deviens grand, La rue te va comme un gant
Tu tournes en rond puis perds ton temps à boire et fumer toute la night »
J’aime énormément ce groupe car dans plusieurs de leurs sons (Itinéraire du chômeur, Routine, La drogue te donne des ailes… etc), ils poussent la jeunesse à se bouger, à chercher du travail et à éviter la drogue.
Il leur arrive aussi de corriger avec respect, et sans insultes s’il vous plait, certains responsables politiques (Nadine Morano) qui seraient tenter de faire un amalgame entre mode vestimentaire et appartenance à une confession bien définie :
« J’irai jusque devant l’chef d’Etat,
Lui dire en face c’que pense sans faire de détails casquette à l’envers
On dit que l’habit ne fait pas le moine
Mais moi on m’a jugé parce que j’avais ma casquette à l’envers »
Je ne pouvais terminer cet article sans une petite dédicace à la gent féminine trop souvent jetées en pâture aux médias et exposées comme des objets sexuels dans la majorité des clips. Le message est lancé par H-Magnum qui fait parti de l’entourage de la Sexion d’assaut et qui a récemment intégré le groupe :
« Quant aux femmes elles sont sacrées
Ton corps n’est pas qu’un escalier qui fait monter au 7e
On se comprend à moitié »
H-Magnum-Dounia
Si vous faites parti des personnes qui n’aiment pas le rap à cause de tous les clichés qui l’entourent, demandez aux mélomanes qui vous entourent quels sont les artistes rappeurs qui sortent du lot. Prenez le temps d’écouter leur musique et de comprendre les messages qu’ils véhiculent. Je suis sûr que vous changerez de position.
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