L’année de Ameth

Article : L’année de Ameth
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5 janvier 2015

L’année de Ameth

wpid-2015-01-03-17.20.17.jpg.jpegLe titre de ce billet vous dit quelque chose n’est-ce pas? Si vous aussi vous utilisez Facebook, vous avez sans doute remarqué toutes ces personnes qui ont passé « une année magnifique ». Alors que 2015 pointe le bout de son nez, c’est le moment idéal pour se poser et faire un bilan de l’année écoulée. La mienne n’est pas été si mauvaise. J’ai connu plein de situations qui m’ont marquées. Je m’en vais vous en raconter juste quelques unes. Tout a commencé un soir de 31 décembre 2013.
Fin décembre: « Alone in the dark, j’ai trop le seum ». Voilà ce que j’ai pu écrire sur mon mur le 31 décembre dernier, pas de cette année écoulée mais la précédente. J’étais loin d’avoir le moral à cette époque. Toute cette euphorie qu’il pouvait y avoir en ce jour spécial ne me concernait guère pour la bonne et simple raison que j’allais passé mon premier réveillon tout seul et surtout loin de la famille et des amis. Et quand je dis tout seul c’était vraiment tout seul. J’étais là assis sous la case qui nous sert de salon, un néon allumé qui éclairait les environs et qui attirait quelques insectes, un repas venu spécialement de Kaolack pour me réconfonter; mais hélas personne avec qui le partager. Au loin, des mélodies de music parvenaient à mes oreilles, il y avait des festivités dans le village mais je n’avais pas du tout envie d’y aller. J’étais là assis, toute la soirée durant à broyer du noir, loin de l’allégresse ambiante . J’aurai pu allumer mon PC et lancer une partie de jeu vidéo mais l’envie n’était pas là non plus. Mon corps était présent sur place, mais mon esprit était retenu ailleurs, à Kaolack.
Janvier: J’ai le béguin. Alors que je venais de passer la pire soirée de ma vie jusqu’à présent, le retour des fêtes de la jolie sérère qui habitait juste la maison d’en face allait requinquer mon moral qui était jusque là assez bas pour ne pas complètement par terre. j’étais  tombé sous le charme de cette belle plante qui avait l’habitude venir puiser de l’eau chez nous. Le puis était devenu notre lieu de discussion préféré. Il arrivait même très souvent que je puise l’eau à sa place. Après tout il faut être un peu galant non 🙂
Février: La dernière fois qu’on a célébré un événement qui a réuni la famille proche ou lointaine, les amis et autres voisins du quartier c’était en 1991 lors de la naissance de la petite dernière de la famille. Cette fois ci c’est l’ainée de la maison qui se mariait. J’ai revu des visages qui m’étaient familiers. Avec le temps j’ai n’ai peu en reconnaitre que certains, pour les autres je ne savais même pas qui m’adressait la parole. J’ai aussi entendu un nom que très peu utilisaient pour m’appeler, Mouhamed.
Mars: j’ai un coup de mou. Cela fait plusieurs jours que j’ai un réveil difficile. Chaque jour c’était la même chose. Je me couchais fatigué, le dos en compote et je me réveille le lendemain encore plus fatigué que la veille. Ce jour là, je me suis réveillé avec des courbatures, je me sentais lourd, j’avais mal partout dans mon corps. Quand je me suis levé, j’ai essayé de travailler, mais je  parvenais à peine à soulever deux arrosoirs. Heureusement j’ai eu du renfort le jour même, un cousin est passé et a pu prendre le relais pendant quatre jours le temps que je reprenne des forces.
Avril: j’ai deux sourga. Ça m’a fait tout bizarre parce que je ne suis pas habitué à diriger. Pa 5 ans et demi me répétait très souvent « Il faut que tu apprennes à donner des ordres…. ». Oui ça n’a pas été facile. A chaque fois que je disais faites ceci, j’avais l’impression que j’abusais de mon autorité. Je ne voulais pas non plus donner l’impression de moins travailler. Du coup  me sentais obligé d’y aller avec eux. Jusqu’à ce que je me rende compte que tant qu’ils ne reçoivent pas d’ordre, ils croisent les bras et seraient même capable de laisser crever les plantes qui ont besoin d’eaux.
Fin avril: au feu!!!! Un soir alors que je me reposais sous le manguier, je vois nos deux soupprgas passer devant moi en courant. Que se passe t-il? Ils me répondent qu’il y a un incendie de l’autre côté du champs. Je me lève en sursaut  et tout comme eux, je prends deux arrosoirs en main. Il était 15h environ quand ça a commencé. A coups d’arrosoirs, on a réussi à circonscrire le feu. Heureusement il y a avait juste à coté l’eau du marigot. Quand on a enfin terminé, il était 18h passé. Qui a allumé le feu? Nous ne le savons toujours pas. Quelqu’un a eu la bonne idée de bruler un arbre mort qui est tombé dans notre propriété et a brulé tout le long de la clôture. Le feu a brulé tous les anacardiers et palmiers qui e trouvaient à proximité. Heureusement le pire a été évité. Dieu seul sait ce qui allait se passer si nous avions pas intervenu assez tôt pour l’éteindre. Seule consolation, nous avons récupéré le charbon de bois (environ 5 sacs) et à l’heure où je vous parle, il nous en reste encore.
Mai: la nature nous réserve parfois bien des surprises. Cela fait deux mois que nous avons planté des aubergines. Tout s’est déroulé très bien jusque là, l’arrosage presque quotidien, l’émondage à intervalle régulier, les traitements phyto que je faisais moi même, bref tout. Sauf que voilà elles n’ont toujours pas produit. La faute à qui, à des oiseaux qui mangeaient les fleurs rompant ainsi le développement du fruit. Un matin, en faisant le tour des plantes, j’en ai moi même fait le constat. Une fleur a moitié dévorée, et en bas de la plante, quelques pétales déjà desséchées. Si je vous dis qu’on n’a pas récolté une seule aubergine sur près d’un millier plantées, vous auriez du mal à me croire.
Juin: les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules. Comme si cette déception ne suffisait pas, des bêtes commencent à rentrer dans notre propriété. A cette période de l’année elles ne sont pas retenues dans les enclos, encore moins sous la surveillance d’un berger. Elles sont laissées à elles même. Un jour on a découvert des crottes dans notre champs et ce qu’on craignait aller arriver, elles ont mangé les tomates et autres aubergines qu’on avait plantées. Chaque jour sa course poursuite; quand on referme une brèche, elles en trouvent une autre. Il a fallu qu’on fasse le tour de la clôture arrière et que l’on renforce toute cette partie pour qu’elles nous laissent enfin en paix
Deuxième coup de fatigue. Cette fois ci c’était beaucoup plus grave. Ça a commencé avec des courbatures, puis des maux de tête. La nuit j’ai vomis et c’est que j’ai commencé à avoir une violente diarrhée. En plus j’avais hyper mal au ventre. Je me suis couché dans toutes sortes de positions pour soulager mon mal; rien n’y fait. Je n’avais plus d’appétit. Au début je pouvais encore manger de la mangue; mais après je ne pouvais même plus supporter son odeur. En quelque jours j’ai perdu énormément de poids. Il a d’ailleurs fallu que je rentre sur Kaolack pour pouvoir reprendre des forces. Deux semaines de repos bien méritées.
Juillet: l’hyvernage se fait attendre. Depuis le début du mois, on a pas reçu de pluies diluviennes. Je me demande même si on a eu plus de trois pluies. Les plantes avaient tellement soif que certaines se desséchaient. Le sol devenait  sec un jour à peine après l’arrosage et le soleil, brulant n’arrangeait en rien la situation. Les paysans qui ont semé trop tôt leur arachide ne savent plus ou donner de la tête.
Ramadan rime avec journée continue. Nous travaillions des fois jusqu’à 14h, particulièrement les premiers jours. Plus on avançait dans le calendrier, moins ça devenait possible. Il arrivait des jours où j’étais déjà K.O avant même midi. Il faut dire que e n’est pas facile de mener un activité physique soutenue en ayant le ventre vide et la gorge sèche. C’est ce dernier point qui m’affectait le plus. Les après midi étaient réservé pour le repos. Moi qui ne faisait que très rarement la sieste, je me suis donné à coeur joie.
Août: Rupture: après un aïd inoubliable où tous les membres de la famille étaient présents, je suis allé rendre visite à la belle famille à Mbour. Séjour inoubliable tout comme le retour au village l’a été mais cette fois ci d’une façon plutôt négative. A peine arrivé que j’apprends par la principale intéressée que notre y idylle touche à sa fin. Une soirée toute pourrie comme jamais je ne voudrais en vivre une autre.
Cambriolage : un matin très tôt, alors que j’inspectais les pépinières, je remarque que quelque chose manquait dans le décors. Je m’arrête, regarde plus attentivement et remarque qu’il n’y avait plus que le petit panneau solaire. Ou peut bien être le grand. Con que je suis, je me dis que c’est peut être le vent qui l’a déplacé. Je fis alors le tour de la case d’à coté mais rien. Je me dis non mauvaise hypothèse, seul un vent assez violent peut déplacer ce panneau solaire et je l’aurais senti si c’était le cas. Je regarde alor de plus près et là je remarque que le scotch qui liait les deux fils était défait. Du coup mon coeur se mit a battre à 100 à l’heure, je me rendis enfin compte qu’on a été visité. J’ai alors compris pourquoi les chiennes étaient aussi agitées la nuit passée. Et dire que je suis sorti et que je suis venu jusqu’à même pas deux mettre des panneaux. J’ai allumé ma lampe torche, éclairé le poulailler, puis je suis retourné me couché. Lorsque on a regardé les alentours, nous avons trouvé des empruntes de pas ( pieds nus) que nous avons suivies jusque dans un champ à coté du nôtre. Après les avoir perdu sur les parties enherbées, nous les avons retrouvées sur une piste qui menait ur la bitume et là on les a perdu définitivement.
Septembre: La Tabaki approche, et nous ne sommes plus que deux. Nos sourga sont réparti en Gambie pour fêter l’Aïd chez eux. Et avec le vol du mois derniers, il était hors de question de laisser le champ sans surveillance donc il fallait que quelqu’un passe la fête sur place. J’ai donc décidé de rester. Ce fut mon tout premier Tabaski sans la famille. Un ô de solitude encore pire que pour le 31 décembre. Je ne me suis même pas fait beau pour aller à la prière; et la place de la savoureuse viande de mouton, j’ai en du poulet.
Octobre: ils ne reviendront pas. En partant ils ont dit qu’ils allaient revenir dans 21 jours mais bizarrement ils n’ont laissé aucun effets personnels après leur départ. Après un mois d’absence, ils n’ont fait aucun signe, même pas un coup de fil pour dire qu’ils sont bien arrivé. Maintenant c’est certain, ils ne reviendront plus, en plus nous nous trouvions dans la période idéale pour engager les différentes campagnes et faire de bon coup. Mais hélas sans main d’oeuvre, il est difficile de mener à bien une campagne
Novembre: « je n’attends personne pour travailler« , Pa 5 ans et demi a dit. Sur ce nous avons pris le problème à bras le corps. Pelles et brouette sont de sortie. Un chantier gigantesque nous attendait, un kilogramme de semence d’oignon à mettre en  pépinieres. Pendant cette période, j’étais tellement fatigué que je pouvais m’endormir pour 30mn seulement.
Décembre : arrivée de renfort. Heureusement nous avons reçu du renfort. Un jeune baye Fall très sympathique et surtout travailleur nous a rejoint. Son arrivée a donné un coup de boost au travail entrepris jusque là. L’arrosage était plus rapide, nous avons enfin pu accélérer le repiquage des tomates, même la cuisine prenait moins de temps.
31 décembre: encore un autre réveillon au village. Mais cette fois ci je n’ai plus le seum et je ne me sens plus seul. Quelque chose a changé en moi, la foi. J’ai pu voir de quoi j’étais capable quand on est seul et je sais et dorénavant, je saurais ce dont je serais capable quand j’aurais une équipe de quatre personnes motivée.
Cette année n’a pas été exceptionnelle mais je ne m’en plaindrais pas, d’autres ont connu pire. J’ai connu beaucoup d’échec,des moments de doute, des moments de solitude, des moments de fatigue extrême, mais j’ai aussi appris un mot dont la signification m’a beaucoup marquée, la résilience. Cette année 2015 débute plutôt bien, je me sens hyper motivé. J’éprouve du plaisir dans me différentes activités. C’est le moment ou jamais de me prouver à moi même que la voie pour laquelle j’ai optée peut m’amener à à bon port. Je sais aussi que la route est longue, alors il ne vous reste pus qu’à me souhaiter bonne chance.
Bonne année 2015

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Commentaires

lau
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Je suis tombé par hasard sur ton post. Il m’a laisse un sentiment mitigé, entre tristesse et réconfort. Hâte de lire ton bilan avant le 31 decembre 2015. Cheers, all the best.

Ameth DIA
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Merci beaucoup