Le serpent qui avait une grosse tête

Article : Le serpent qui avait une grosse tête
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8 juin 2015

Le serpent qui avait une grosse tête

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Ça a commencé par une interpellation presque sourde. Elles ont du s’y reprendre à plusieurs reprises comme si elles ne voulait pas que le concerné les entende. Elle continuaient toujours à chuchoter en s’approchant de moi. On l’a vu disaient-elles, quoi donc leur demandais-je, elle me répondirent, il dans la chauffeuse. « La chose noire », j’ai aperçu sa tête, il est caché dans la chauffeuse. J’ai enfin compris de quoi elles parlaient. De cette chose dont on préfère ne pas prononcer le nom. Comme si le simple fait de le dire provoquait une sorte de malédiction ou alors le faisait apparaitre. A la place, on préfère lui donner un surnom, l’appeler par sa façon de se mouvoir, ou alors, comme l’ont faites les femmes, faire référence à sa couleur. Le serpent, puisque c’est de l’animal dont il s’agit, était de couleur noire, le plus craint et le plus dangereux dans toute la zone. Niangor, voilà comment on l’appelle par ici, ou cobra si vous préférez.

Il était caché la dedans depuis le début, alors que nous étions entrain de sortir les affaires de Pa 5ans et demi. Comment le dirais-je? Sa chambre ressemble à un véritable bazar à première vue. Il y a tellement de bagage, des piles de livres, de vielles revues de photos, de boites de semences, de sachets, pleins de sachets contenant ses matériels de pêches, des clous, des fils de fer, des graines de je ne sais quel fruit, des feuilles séchées de je ne sais quel arbre, des photos, plein de photos, de toutes sortes, qu’il a prises au cours de ses différents déplacements. D’ailleurs il ne sort jamais sans son appareil photo, du moins je ne me rappelle pas l’avoir vu sortir sans. On retrouve aussi des radio cassettes, de jazz particulièrement bien qu’il ne les écoute plus; après tout, on est en 2015, qui écoute encore de la musique sur une radio cassette? Comme la plupart des choses qui sont ici, Pa 5 ans et demi ne s’en sert plus mais il n’est pas du genre à jeter ses affaires. « Ça pourra servir un jour on ne sait jamais » a-t-il l’habitude de dire. Un véritable désordre à première vue, mais ne vous y trompez pas, ce désordre apparent est en fait un désordre bien ordonné, se rappelant avec une exactitude déconcertante de l’endroit où il range ses bagages. Nous étions donc là à déplacer ses effets personnels à cause des travaux de réfection de la toiture. Je me suis assis  à plusieurs reprises devant cette chauffeuse, transformée en porte bagage depuis belle lurette, fouillant et faisant le tris entre ceux qui iront à la poubelle pour de bon et les autres. Les femmes aussi sont passées par là pour  nettoyer. Elles ont eu à la soulever et à la déplacer mais heureusement la chose a attendu qu’on ait terminé pour enfin se montrer.
Nous avions fini de sortir tous ses effets personnels, et alors qu’on s’apprêtait à défaire le toit en paille, nous fumes interrompus par les femmes qui avaient aperçu un truc se mouvoir dans le noir. Lorsque je suis entré, je ne pouvais distinguer grand chose mais les femmes étaient sûr de ce qu’elles avaient vu. On décida alors de faire sortir la chauffeuse dehors, à l’aide d’un long bâton. Il était hors de questions qu’on s’approche de ce fauteuil. Je regarde alors autour de moi à la recherche d’une arme assez efficace contre un tel adversaire. Je vis par terre une fourche, je me rappelle  que il y’a à peine un jour j’ai tué une couleuvre avec, alors je me dis que ça me sera à nouveau utile. Djibril, qui tenait le bâton tenta de soulever le fauteuil avec, on pouvait voir à travers la housse, un corps se mouvoir. Les femmes s’étaient déjà mis à l’écart, elles continuaient toujours parler tout doucement; on aurait presque dit qu’elles psalmodiaient. Une autre tentative et il parvient enfin à le retourner. Je vis alors un corps tout noir bouger un coup à droite et un autre à gauche. Il était tellement noir que je ne parvenait pas à distinguer clairement la tête de la queue. Lorsqu’il tenta d’avancer, je pus enfin le voir. Heureusement que j’avais mes lunettes vicées sur mes yeux car il avait une toute petite tête. Il se dirigea vers ma direction. Par réflexe, je soulève la fourche que j’avais empoignée, et de toutes mes forces, je tente de l’écraser. Mais comme je n’étais pas non plus trop sûr de moi, je le rata. Je vis alors le serpent se dresser sur une dizaine de centimètre. Sa petite tête a presque triplé de volume d’un seul coup, il se mit en position défensive, ou devrais-je plutôt dire en position offensive. C’était la première fois que voyais un tel spectacl, les seules autres fois remontant à ma tendre enfance, lorsque nous regardions les films hindous. La fourche que je tenais s’est écrasée sur le sol avec une telle violence que le bâton s’est brisé en deux. Par réflexe, et devant un tel danger (ce serpent pouvant cracher un liquide aveuglant sa cible), je recule de trois bons mètres. Je pouvais sentir mon coeur battre à cent à l’heure. Sur le coup j’ai du réciter tous les versets protecteurs que j’avais en mémoire. C’est dans ces moments où on est empoigné par la frayeur que l’on croit le plus en Dieu. Le serpent retourna se cacher dans la chauffeuse à nouveau. Je me rendis dans ma chambre, empoigna le fusil de Pa 5 ans et demi, deux trois cartouches au cas où je raterai ma cible étant donné que la seule fois où j’ai tiré, c’était dans mes rêves, puis  je revins à nouveau sur place. En joug, je respirai à grand coup, mon torse grossissait en volume en même temps que j’inspirais. Le serpent sortit à nouveau, je vise la cible en essayant de contrôler ma respiration sans succès, puis j’appuie sur la détente mais à ma grande surprise,  rien ne se produit. Le cran de sécurité n’était pas levé. Une autre tentative, cette fois ci le cran de sécurité est enlevé, je vise une nouvelle fois, pendant ce temps le serpent se déplaçait tout doucement comme s’il ne se sentait pas en danger. J’appuie à nouveau sur la détente et une fois encore, rien ne se produit. Une des femmes me lança: il a une grosse tête; comprenez par là qu’on ne le tue pas si facilement. Dépité devant autant d’échec après tant d’initiative, je déposé le fusil par terre en prenant soin de retirer la cartouche; on sait jamais un coup pourrait partir tout seul. Je le regarde s’éloigner, prêt à me résigner; seulement voilà qu’il se dirige à l’endroit où l’on stocke les mangues.
Comme c’est moi qui effectue le tri, et que la pièce est remplie de paille, laissez un tel reptile dans une chambre pareille ne semble pas être la meilleure des solutions. Il fallait qu’on en finisse alors je pris mon courage a deux main et entra dans la chambre en gardant toujours une distance assez éloignée. Par chance il se mit dans un coin, à moitié caché par des brindilles. Dans la pièce il y avait aussi des morceaux de briques en banco. Une arme assez grosse qu’on peut lancer me parait sur le coup un bon  choix. Je me saisis de quelques unes que je lance sur l’animal…encore un échec, les projectile s’écrasent les unes après les autres contre le mur, parfois même assez loin de la cible. La dextérité n’est décidément pas mon fort.
Heureusement, il y avait par terre un bâton avec un bout assez large, je m’en saisis puis d’un coup assez violent, je réussi à le bloquer contre le mur. J’appuie de toutes mes forces pour le maintenir dans cette position puis je fis appel à Djibril. « Bloqué nako, bloqué nako » lui criais-je. Il entra lui aussi dans la pièce avec un bâton, puis de toutes ses forces, le fracassa contre le reptile. Ses biceps se contractaient à chaque fois qu’il s’apprêtait à asséner un coup, laissant apparaitre de muscles saillis par le maniement de la pelle et des briques. Il frappa, encore et encore et encore, pendant ce temps, je maintenais toujours mon étreinte, serrant le bâton  avec mes deux mains. La scène dura ainsi plusieurs minutes même après que le corps du serpent ait cessé de se tordre. Il fallait bien que l’on soit sûr qu’il était mort d’une mort certaine.

Ce n’est que après avoir relâché le bâton que j’ai commencé à sentir une douleur à la main droite. J’avais eu plusieurs égratignures mais sous le feu de l’action je ne ressentais rien. Les femmes osent enfin s’approcher et se mirent à faire des commentaires que j’entendais à peine, trop occupé à reprendre mon souffle. L’une d’elle s’approcha et me conseilla de l’enterrer profondément, il parait que même ses os représentent un danger. Mais j’étais pas prêt à m’en approcher de si tôt; ce n’est que quelques heures plutard que je décide enfin de m’en débarrasser en utilisant comme toujours un long bâton. Depuis lors, j’ai remis un peu d’ordre dans ma chambre. La dernière chose que je veuille , c’est d’avoir à nouveau affaire avec vu tout le mal que j’ai eu à m’en débarrasser. Elles me l’avaient bien dit, ce serpent a une grosse tête.

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